Dans les années soixante-dix, dans ce qui maintenant s’appelle les Hauts de France, la rencontre brutale d’une Panhard 24 CT et d’une remorque agricole sans lumière, augmente subitement la production de plâtre de l’hôpital voisin… le cerveau qui surplombe ce plâtre cogite et réfléchit à la fabrication d’un kart à moteur de 4 CV Renault. C’est bon pour la rééducation et le moral.

Ces années-là, les 4 CV sont courantes, souvent abandonnées au fond d’une cour ; leurs propriétaires sont contents d’en être enfin débarrassés.

Des croquis rapides et quelques bouts de tubes plus tard, un châssis rustique est fabriqué. Ni suspensions ni freins avant, des roues de 13 pouces de 4 L, un petit siège en plastique, le moteur et la boite de vitesses sont fixés à l’arrière, la position en porte à faux est conservée. La tringlerie de boite de vitesses est ultra simple à fabriquer, c’est en direct.

L’empattement est très court, la voie restant celle de la 4 CV.

Et ça marche, même assez fort, les démarrages « dragsteriens » avec les roues avant levés de plus de 50 cm sont formidables ! Ce qui l’est moins, c’est le carter moteur qui fait fonction d’anti-wheeling en s’appuyant sur la pompe à huile ! Pas prévue pour cet usage, elle casse immédiatement, emmenant avec elle les bielles.

L’équipe du départ. Que sont-ils devenus ? Celui de droite, je suis bien placé pour le savoir. Quant aux deux autres ?

 

Contact brutal du carter moteur et de la piste, ce n’est pas bon !

Des jeunes s’intéressent au proto, veulent en construire aussi, mais à la réflexion on va faire un peu différent.

La base reste la 4 CV ou mieux la Dauphine, suspensions avant et arrière pour pouvoir rouler partout, freins sur les 4 roues, utilisation de la traverse avant et arrière de la 4CV avec les suspensions d’origines un peu assouplies. Quant au châssis, c’est quatre tubes principaux reliant les deux traverses, empattement court d’environ 1,80 m et biplace.

 

Des 4 CV au bout du rouleau vont vivre une seconde jeunesse.

 

Schéma de la partie arrière

La récupération de toute la parie mécanique arrière ne prend que quelques heures et, à part raccourcir les ressorts de suspension, elle est prête à être posée dans le châssis tubulaire.

 

L’ensemble compact du moteur et de la boite de la 4 CV ou Dauphine reste fixé sur la traverse arrière. On ne peut pas plus simple ! Les constructeurs de barquette de piste comme Marcadier, BBM, Dangel garderont le même principe.

 

Pour le train avant, c’est plus difficile. La traverse est soudée aux longerons, grosse partie de scie à métaux et de burin obligatoire, mais, là aussi, tout reste sur la traverse y compris la crémaillère de direction, et même le pédalier.

 

Croquis de construction.

Le croquis de construction, quatre tubes principaux soudés… heu parfois un peu collés ! Certains châssis montrant rapidement des faiblesses, le radiateur reste à sa place d’origine avec ses durites. Il faut juste mettre à longueur la commande de vitesses, simplissime !

 

Malheureusement, il reste peu de photos de cette aventure, ici un après-midi sous la neige fondue… même pas froid !

La carrosserie ? Quand il y en a une, un bout de tôle pliée ou découpée dans un capot de 4 L de récupération — on est bien avec le garage Renault du coin — suffit à habiller le monstre.

Bien sûr un moteur de 4 CV n’est pas très puissant, le moteur 850 cc de Dauphine se prête bien à l’amélioration, le proto pèse aux environs de 200 kg et se retrouve à plus de 100 km/h en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.

Les terrains de jeux sont :
– soit des bouts de terrains ou des pâtures prêtés par des propriétaires bienveillants — y compris en bordure d’une rivière qui occasionnera quelques baignades bien involontaires !
– soit les pistes abandonnées d’un ancien terrain d’aviation de la dernière guerre, à l’emplacement de l’actuel stadium automobile d’Abbeville les trous dans le ciment et les buissons traçant un parcours sinueux.
– mais aussi le sable des plages de Picardie, avec une mention très bien pour les pâturages de pré salé abandonnés, le sol y est bien plat sans bosses, recouvert d’une herbe grasse et… glissante. C’est le paradis des grands dérapages, mais aussi celui de la gendarmerie maritime !

Des maires sympas nous prêtent leur place du village pour des compétitions/démonstrations qui enthousiasment le public, nous sommes les vedettes !

Même un arceau, construit à partir d’un… tabouret de cuisine en tubes de 20 mm !

Pour le transport de nos engins, pas ou peu de remorques, mais un attelage en A relie la « tracteuse » au proto.

Les copains affluent, Philippe, Jimmy, Jean Michel, Gérard, Claude, Jean Pierre, « Belphégor », surnommé ainsi à cause de sa grande silhouette enfermée dans un imperméable se découpant dans la brume, et beaucoup d’autres, principalement Benoît, dont les parents fournissent un petit local où les soirées de constructions se prolongent régulièrement jusque 3 heures du matin.

Une bonne dizaine de protos sont assemblés et roulent régulièrement, un nom est trouvé ce sera les PROTOCROSS. Les voitures évoluent, des réglages de suspensions sont essayés, les ressorts coupés… trop courts bien sûr, modifiés et démontés de nombreuses fois… Les protocross sont fabriqués avec l’outillage de base, une scie à métaux (attention aux lames), une perceuse à main, un petit étau fixé sur un coin de table, un poste de soudure électrique qui fait régulièrement sauter le disjoncteur, les fusibles grossissent. Parfois, les pièces sont emmenées dans différents ateliers pour y être terminées en douce.

Bien entendu, la mécanique est « améliorée », un copain tourneur allège le volant moteur. Équilibrage ? Vous avez dit équilibrage… Les conduits de soupapes sont polis (et biens élevés) on empile des rondelles sous les ressorts, les jupes de pistons sont raccourcies, percées et mises au même poids sur une balance de ménage. Les bielles sont allégées et pesées ; des carbus de moto sont fixés sur des tubulures d’admission bricolées dans du tube de chauffage et, bien sûr, l’échappement est libre !

Le moteur hurle comme un Ferrari, ça, c’est ce que l’on pense, mais il ne tarde pas à cracher ses bielles par un gros trou dans le bloc… Que de soirées passées à bricoler les moteurs ! Heureusement nous avions du stock.

D’autres construisent aussi sur la base de la Cox tel que les Forméco de l’agent VW Paul Flament. Certaines 4 CV ou NSU sont simplement découpées et allégées.

Les Forméco, à mécanique VW Cox.

Dans la région lyonnaise, un mouvement identique voit le jour, c’est le moment de fédérer et de règlementer tout ça, l’Autocross va naître, des clubs se créent, le Racer cross de Moyenneville en Picardie est un des premiers.

Chez nous, malheureusement Benoît est fauché en pleine jeunesse par un chauffard aviné. Le petit atelier sert à autre chose, le moral n’y est plus. Chacun poursuit sa vie, certains se marient et conduisent la poussette, d’autres se tournent vers la moto, le rallye, le 4×4 et Buggy… Les Leroy, Lejeune, Derume et beaucoup d’autres resteront dans l’Autocross y faisant une belle et longue carrière, jusqu’au championnat de France et même d’Europe. Leurs enfants et petits-enfants y courent encore maintenant.

 

 

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