À la création d’Alpine par Jean Rédélé, ancien pilote de rallye, les petites berlinettes, légères et maniables, se sont distinguées en rallye. Mais Rédélé avait couru aussi aux 24 heures du Mans avec une 4 CV, c’est peut-être ce qui a motivé sa décision de participer à cette épreuve, en plus de la concurrence avec DB spécialiste des 24 heures. Des berlinettes A 110 y avaient couru. La décision est prise : Alpine va construire des protos destinés au Mans et autres courses d’endurance.

Les premiers ateliers, hébergés dans la concession Renault à Dieppe.

Alpine est néophyte en matière de construction de prototype d’endurance. Sur les conseils du journaliste Gérard Crombac, l’entreprise contacte Lotus et lui demande de dessiner un châssis, mais, débordé, Lotus ne peut répondre à cette sollicitation et conseille Len Terry, spécialiste en la matière.

Les plans sont livrés contre 300 £, mais du retard a été pris et, entretemps, le règlement du Mans a changé sur un point important, la hauteur du seuil des portes. Les plans ne correspondent donc plus. Bernard Boyer et Richard Bouleau, embauchés par Alpine pour ce projet, doivent tout modifier. Ils gardent les dimensions générales, les épures de suspension et redessinent un châssis qui reprend le principe de la poutre centrale, spécialité d’Alpine. Ils modifient le tube de 120 mm de diamètre de la berlinette, pour permettre le montage du moteur boite en position centrale et non en porte à faux. Ils y ajoutent une boite VW de Cox, modifiée par Hewland. Les demi-arbres de transmission ainsi que les porte-moyeux et les jantes en magnésium sont fournis par Lotus.

Ils prévoient l’utilisation des fusées de R 8 et une crémaillère de 4 L, les freins sont des Girling ; les amortisseurs sont signés Allinquant.

Plusieurs châssis sont étudiés.

  • Le premier, qui n’est pas utilisé, est celui dessiné par L. Terry. C’est un multitubulaire avec une pyramide de tubes sous le seuil de porte. Il est inspiré du châssis de la barquette Lotus 23, mais ne correspond pas au nouveau règlement.
  • Un deuxième est dessiné en utilisant les berceaux avant et arrière dessinés par L Terry. Un gros cylindre en tôle relie le tout et fait fonction de réservoir. Le tout est brasé, mais la rigidité n’est pas au rendez-vous.
  • Le troisième reprend la poutre de 120 mm de diamètre des berlinettes et pèse 40 kilos. Il est adopté.
  • Un quatrième est dessiné pour la M 64. Et, puisque l’ACO a modifié le règlement technique relatif à la hauteur du seuil de porte, on revient au principe du châssis treillis de L Terry. Une nouvelle suspension arrière abandonne les éléments Lotus.

 

 

Le châssis, dessiné par L. Terry, ressemble beaucoup à celui de la barquette Lotus 23, avec sa structure tubulaire sous les portes.

 

 

La version de B. Boyer est à poutre centrale, modifiée pour accueillir le moteur en position centrale arrière.

 

Boite de vitesses HW et trains roulants Lotus.

 

Les marbres « rôtissoires » utilisés pour souder les châssis.

 

Le châssis à poutre centrale de l’A 110. Le moteur est en porte à faux arrière et utilise la traverse avant et les trains de la Renault 8, son empattement est de 2,10 m.

 

Une carrosserie profilée est dessinée par M. Hubert, testée à la soufflerie Effel, équipée du parebrise de la berlinette A 110, son CX est excellent, 0,15. Assez jolie, rondouillarde c’est bien une Alpine. Le master qui servira pour fabriquer les moules en polyester est réalisé à Dieppe. D’après Mr Copin, qui ouvrira un atelier de carrosserie à Étalondes (à proximité de la ville d’Eu), il est construit en partie en tôle, grillage, bois et plâtre.

 

 

 

 

À Dieppe, c’est la panique, l’atelier n’est pas prêt, il faut aménager un bureau et des espaces dans les maisons autour de la concession Renault/Alpine, trouver des soudeurs-mécaniciens, des sous-traitants, régler tous les problèmes. On travaille jour et nuit en se relayant dans les ateliers minuscules qui cohabitent avec la concession Renault. La M 63 est peinte dans la nuit du mercredi au jeudi et, le vendredi matin, la voiture ne peut faire que quelques tours autour du pâté de maisons du boulevard Thiers à Dieppe avant d’être chargée pour les essais du Mans du samedi matin. Ceux-ci se passent bien, à moteur égal, la M 63 est plus rapide que la René Bonnet. Il reste deux mois pour finaliser la mise au point !

1963 : les premières 24 heures

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Caractéristiques de la M 63

  • Empattement : 2,30 m ;
  • voies : 1,29 et 1,27 m ;
  • largeur : 1,63 m ;
  • hauteur : 1,25 m ;
  • garde au sol : 15 cm ;
  •  poids : 600 à 630 kg ;
  •   roues : 13 pouces ;
  • réservoir d’essence : 32 litres ;
  • châssis poutre ;
  • vitesse maximum  : 232 km/h
  • ; consommation : 15 l aux 100.

Palmarès

Caractéristiques de la M 64

  • Empattement : 2,30 m ;
  • voies : 1,28 m et 1,27 m ;
  • largeur : 1,51 m ;
  • hauteur : 1,05 m ;
  •  garde au sol :  15 cm ;
  • poids : 640 kg ;
  • roues : 13 pouces ;
  • réservoir d’essence : 32 litres ;
  • châssis tubulaire ;
  • vitesse maximum : 240 km/h ;
  • moteur : 1149 cc ;  115 CV ; 7000 t/min ; pour la version 1300 :  125 CV ;  7000 t/min.

 

 

 

 

Et le moteur ? Bien sûr, c’est un Renault Cléon (celui de la R 8), modifié par A. Gordini. C’est le type 55 avec une culasse à deux ACT et deux carbus Weber, prévus pour équiper les Bonnet. Rédélé se démène promet, discute, bluffe, charme, négocie et obtient le prêt de ces moteurs pour sa M 63.

Caractéristiques

  • 4 cylindres ;
  • bloc fonte ;
  • cinq paliers : 71,5 x 63 ;
  • cylindrée 995,7 ;
  • culasse aluminium à deux ACT ;
  • deux soupapes par cylindre ;
  • rapport volumétrique : 10,1 ;
  • 100 CV à 7500 t/min ;
  • couple : 10,2 à 6000 t/min ;
  • boite de vitesses Hewland : cinq vitesses, sur base de boite de Cox.

 

 

 

La M 63 a une bonne tenue en courbes, mais, comme toutes les voitures très fines en aérodynamisme, elle manque de stabilité en ligne droite. Les ailes arrière sont modifiées pour lui donner plus de stabilité. Les carrosseries gagneront en finesse tout au long de leurs carrières.

 

Carrosserie de la M 64, avec ses dérives arrière, plus basse, plus étroite.

 

Le coin de maquettes

Il existe de nombreuses maquettes des Alpines du Mans, à toutes les échelles.

 

 

Insolite

 

Version barquette.

 

Une berlinette A 110 au Mans.

 

Une version queue courte de l’Alpine A 220 fut étudiée pour certaines épreuves routières, à l’image de la célèbre Matra 650 Tour de France.