Au Spirit Racer club, parmi les racers, barquettes, monoplaces, Seven et autres monomilles s’est faufilée une petite Anglaise. C’est Joséphine, les non-initiés la nomment MGB, elle vous raconte tout !
On m’appelle Joséphine parce que j’ai de beaux harnais ! C’est mon papa d’adoption, Jean-Luc, dit le Burgond Stig, qui m’a nommé ainsi. Comme je ne maîtrise pas encore bien le français, je ne sais pas répéter certains mots qu’il prononce d’un ton menaçant, principalement quand je suis de mauvaise humeur et refuse de démarrer quart de tour, comme il dit !
Lorsqu’il m’a adopté, après maintes aventures sur deux ou quatre roues, il a décidé de me transformer en sportive de haut niveau, oh shocking ! Moi qui suis issue d’une famille d’aristocrates victoriens, qui ait été élevée au thé, à l’agneau et petits pois sauce à la menthe, il m’a obligé à me déplacer du « mauvais » côté de la route, moi qui n’avais jamais montré mes jambes nues en public. Je ne m’en remettrai jamais my Good !
Il a modifié mon unité de puissance (en langage clair, c’est l’engine), mon arbre à cames, transformé mon carburateur anglais SU en Weber italien ! Mais vous devez accepter une chose, contrairement à vous, pauvres humains, je possède la jeunesse éternelle… Quand je ne peux plus vrombir correctement, on remplace des pièces et hop, je repars yes ! Ma transmission est passée à cinq vitesses. J’ai de nouvelles chaussures et semelles : jantes alu et pneus modernes.
Il m’a également allégé, a changé mes ailes, mon couvercle de coffre, enlevé mon parebrise, posé des sièges baquets et mes fameux harnais, installé des extincteurs… Peinte en rouge et avec un 18 sur les côtés, je pourrais faire « pin-pon » ! Mais, trêve de coquetterie, en fait j’aime bien, ça me donne un genre garçonne, aventurière des circuits ! Mais, entre nous, Jean-Luc a aussi une marotte ! Ce n’est pas le « poinçonneur des Lilas », mais, partant du célèbre principe que plus le trou est gros plus il est léger, il en perce partout, même dans mes poignées de porte ! Je dois me méfier, je vais finir par ressembler à une passoire ! Il appelle ça préparation by myself ! Bon, en plus, il m’a rajouté des éléments, une espèce d’échafaudage en tubes, il appelle ça un arceau-cage. Il y a aussi un filet côté conducteur. Pourtant, croyez-le bien, mon Jean-Luc est vraiment gentil, ne vous avisez pas de l’enfermer ou je fonce…
Quand je dis que Jean-Luc allège au maximum ! Après il s’étonne que ne fasse pas le poids réglementaire ! Il m’a pris pour Jane Birkin ou quoi…
Je sais qu’il aime rouler à Dijon alors, bonne fille, je l’emmène vers son circuit mythique. Comme, je ne suis pas infirme, je me déplace par mes propres moyens. Je suis autonome, moi, pas question d’utiliser ce qu’ils appellent « plateau-remorque ». Je snobe toutes ces assistées qui remplissent les circuits ! Et puis, j’apprécie ces moments d’intimité avec Jean-Luc avant la foule et le bruit.
Vendredi, première étape, les contrôles administratifs. Présentez votre passeport ! Je me sens un peu comme une émigrée, inquiète, craintive, angoissée. Que vont décider tous ces « chefs tout puissants » qui m’auscultent ? OK, c’est bon ! En fait, ils m’ont à peine regardé ; mon pilote est, lui aussi, accepté, tout son équipement est homologué qu’ils disent. Ouf, place au sport, on va enfin s’amuser !
Premiers essais privés de l’après-midi, le complice de Jean-Luc, Chris est là. Je l’aime bien, il me dorlote, me chouchoute, m’écoute, me règle mes vis de richesse (j’aime bien cette expression « vis de richesse ») ! Ses mains sont douces, il regarde mes bougies et me comprend. C’est l’homme qui murmure à l’oreille des carbus ! en comparant avec les temps au tour de l’an dernier, nous gagnons trois secondes ! D’autres petits réglages me requinquent, deux secondes de grappillées youppie ! Jean-François, que j’aime bien aussi (il roule en Anglaise, une petite Caterham délurée) est là, il est « zen » c’est le roi des chronos et des feuilles de temps !
C’est le moment des essais qualificatifs, qui définit les positions sur la grille de départ. Jean-Luc n’a pas l’air très content de ses temps, je lis la feuille de chronos… Jean-Luc, t’es en première ligne ! Quoi je lis à l’envers (oui, c’est mon côté anglais). Je discute avec mes voisines, nous parlons moteurs et cylindrées, les chiffres m’affolent 2,5 l, 2,8 l, 3,2 l 3,8 l, 6 cylindres, V8… je me sens juste avec mon modeste 1,8 l ! Après toutes ces émotions, nous sommes un peu fatigués, je ramène Jean-Luc tranquillement à la maison, dans sa tanière de la vallée de l’Ouche et je le couche de bonne heure.
Samedi
À 6 heures du mat’, mon Jean-Luc vient rajouter deux vis de renfort sur mon capot. 9 heures, v’là le barbu et son Espace assistance course, un Renault… bof tant pis ! Le convoi est formé, en route. Le circuit, nous avons des laissez-passer, le responsable nous ouvre la grille avec un grand sourire. Installation au paddock entre des Porsches et des BMW… va falloir se mettre à l’allemand ! Les pilotes sont sympas, je discute un peu avec ma voisine, une Porsche V 8. Quand je lui dis que chez MG on a installé aussi des V8 Rover… elle se marre ! Je lui rappelle que ce sont les Anglais qui ont inventé la boxe et que je peux lui traduire swing en allemand… Non, mais quand même !
L’open-bar du Spirit Racer Club ; pour l’instant, c’est encore bien rangé.
Première course de 40 minutes : départ à 13 h 20. Tonton Pierre est venu nous rejoindre, nous profitons de son expérience de pilote de GP motos 50 cc (véridique). Ma copine Paule-Line, Jean-François et le comte d’Uchey épluchent le règlement qui dit qu’un arrêt de 2 minutes et 30 secondes est obligatoire, pour changer de pilote. Comme mon Jean-Luc est seul, c’est donc un arrêt simple, sans ravitaillement.
Brainstorming (remue-méninges en français dans le texte), étude de stratégie, tactique, c’est la tacatacatic du Spirit Racer.
Je suis toute prête, mon fier pilote qui n’a pas encore revêtu son habit de lumière (en vrai, c’est une combinaison noire, mais la phrase est jolie) me présente au président du Spirit Racer.
Toute cette équipe est aux petits soins pour mon driver y a même un ombrelle boy, en prégrille je vois toutes ces voitures de dos, elles ont de gros pneus, de gros échappements, bref des… gros culs !
Porsche, BMW, Venturi, crânement, fearless, nous allons les défier !
L’ombrelle boy, c’est Tonton Pierre, il a couru en GP motos 50 cc.
Départ lancé, nous nous collons aux deux Porsche pendant deux tours, puis les laissons partir. Nous tournons très régulièrement, sans faute, le panneauteur (fou ?) nous fait signe de rentrer (zut, on s’amusait bien !). On ne me lève même pas le capot (en public, je n’aime pas, rappelez-vous, j’ai des ancêtres victoriens) ! Je profite de la pause pour souffler un peu sur mon ralenti, la fille de Jean-Luc lui donne à boire. Tous ont un œil rivé sur les chronos… à 2’15 », la décision est prise de nous lâcher ; ça doit être bon pour franchir la sortie des stands pile dans les temps. Nous repartons au même rythme. Du coin du phare, j’ai remarqué deux trois voitures à l’arrêt, capots levés, eh eh, les Allemandes ont des soucis, ainsi que la Venturi, seule Française. J’en ronronne de plaisir, mais damned, c’est quoi ce panneau lumineux qui clignote ? La N° 120 ! Stop and go! F… c’est moi ! Nous sommes sortis deux secondes trop tôt, nous finissons ensuite la course en douceur.
C’est le moment des classements, nous sommes troisièmes de notre catégorie, mon pilote tout à la satisfaction d’avoir terminé sans problème n’entend pas le speaker le réclamer sur le podium. On le rappelle à ses devoirs et il est enfin face à la foule en délire qui l’applaudit à tout rompre (heu je suis Anglaise, mais aussi un peu de Marseille) nous avons gagné un trophée !
Passage au parc fermé et contrôle technique, on me pèse : 801 kg pour un poids déclaré de 815 kg. Jean-Luc est convoqué, on l’accuse de tricher, il s’explique, s’énerve. Après 35 minutes de discussion, il est relâché, mais la fête est un peu gâchée. Deux autres concurrents subissent le même sort, les commissaires ont fait leur boulot.
Je ramène mon pilote grognon à la maison.
Dimanche
Toujours aussi ensoleillé, Jean-Luc a oublié le petit incident de la veille. Nous allons nous venger, j’ai progressé sur la ligne de départ, il y en a trois derrière. Départ lancé, nous tournons régulièrement, cette fois, l’assistance gère bien le temps d’arrêt, pas de pénalité !
Paule-Line, responsable chrono, avez-vous remarqué le beau regard vif de mon pilote en pleine concentration.
Une de mes collègues allemandes BMW 3,2 l) se retrouve dans les graviers, pace-car et drapeau jaune agité, le père reprend le volant à son fils et… sort lui aussi et ramène pas mal de gravier au stand. Un peu déconcentrée, je fais un petit travers, mon pilote aux nerfs d’acier me ramène de main de maître dans le droit chemin, ouf, tout se termine bien, mon pilote adoré monte sur le podium pour la deuxième fois du week-end !
Podium, après plusieurs appels, les organisateurs ont retrouvé mon Jean-Luc. Non, il n’est pas sur la plus haute marche, mais sur la troisième.
La preuve en image qu’il est sous les feux des projecteurs, face à une foule en délire !
Là, il pense que si les autres avaient abandonné, il serait premier… maudites Porsche ! Mais non mon Jean-Luc, un peu de fair-play, je suis anglaise, tout de même !
Les contrôles se sont bien passés, nous sommes contents, la petite équipe a passé une bonne journée, on me complimente sur ma fiabilité, j’en rougis de confusion, nous pouvons rentrer « at home » ! hé, Jean-Luc, on remet ça au mois d’octobre comme l’an dernier ? Et Good save the MG…
Un livre de souvenirs photographiques sur Urcy est sorti récemment mais dans nos bibliothèques il nous manque un ouvrage sur Jean Luc Audry (né à Urcy ou a cinq minutes….).
Très modeste son passé de journaliste lui a fait oublier de parler de lui il a mille anecdotes et c’est pour notre plaisir après avoir couru quelques marathons pédestres qu’il est revenu à l’automobile. Cet article sur les aventures de la fameuse MGB et son filiforme pilote est extra et mériterait le prix Albert Londres de l’Automobile(ça vient de sortir!).