En 1966, sur une Fiat 1500 S, l’équipage MillotMillot remportait le premier rallye de la Châtaigne. En 1967 et 1968, c’étaient mesdames Bapt et Demeuzois sur un Djet René Bonnet.

François Belorgey nous fait revire le rallye de la Châtaigne.

Quel beau terrain de jeu que les routes du Morvan, fin octobre, lorsque le paysage rouille et que les épines des Douglas rendent la route glissante et la transforment en une spéciale semblable à celles du rallye Monte-Carlo en janvier. J’ai participé plusieurs fois à la Châtaigne dans les années quatre-vingt-dix. Prégnant est le souvenir de l’épreuve du mont Beuvray avec ses fossés profonds, des arbres centenaires qui vous sautent à la vue dans la lumière blanche des Oscar.

La montée de la spéciale à trois heures du matin était hallucinante. Un reporter avait écrit dans l’Équipe : «les pilotes traversent à pleine vitesse, attentifs au danger et un peu inquiets, la forêt de Brocéliande en Morvan. »

La descente ? Un enfer ! surtout si une Porsche ou une 5 turbo, pilotée par J.-C. Justice vous « collait au train ». Trois kilomètres interminables où il était impossible de s’écarter. Et, enfin, l’arrivée sur le podium de la place du champ de Mars, vers trois heures du matin. Jean-Claude Rouffet, patient, nous y attendait pour nous offrir un lit hospitalier.

Les grandes années de La Châtaigne ont été celles le rallye accéda au calendrier du Championnat d’Europe. Il faut imaginer Bernard Darniche pilotant une Lancia Stratos de l’écurie Chardonnet avec un moteur inspiré de Ferrari. Un spectateur rencontré au départ de la spéciale de Larochemillay en 2024 me disait que, quarante ans plus tard, il avait encore dans les oreilles le bruit fantastique de ce moteur de course. Guy Fréquelin fit briller Renault sur une Alpine V6 Calberson et Michèle Mouton, engagée sur une FIAT Abarth 131 de l’usine turinoise, termina à quelques secondes de Béguin sur Porsche.

L’organisation d’un rallye de cette réputation demande, tout au long d’une année, l’engagement d’une équipe de passionnés tout dévoués à la cause du sport automobile. En 2024, le président Raphaël Diard parlait de plus de 200 personnes (commissaires, dépanneurs, secours, administratifs) en poste trois jours durant le long des 400 kilomètres du tracé. Raphaël et son adjoint JeanChristophe sont les têtes de pont de la course. Il y a eu un incontournable fédérateur de sport auto bourguignon. Son existence est un roman. Dans les années quatre-vingt, nous étions plusieurs à le prendre un peu pour un affabulateur. Terrible injustice et j’ai eu un peu honte de l’avoir catalogué ainsi. Une carrière dans l’armée en Afrique, pilote sur le rallye Abidjan Nice — qui deviendra le Paris Dakar —, et il fallait rallier Nice le plus vite possible. Représentant du service de complétions de SAAB, il roulait avec ces fameuses petites Suédoises incassables. Rondes comme une 4 CV Renault et aussi efficace qu’une Austin Cooper 1300 S. Il devient naturellement président de l’Association Sportive Automobile du Morvan et confère pendant des années une dimension européenne à la Châtaigne. Bien sûr, il s’agit de Fafa Buriot. En 2024, il était au pied du podium pour féliciter les pilotes, parfois les fils ou même les petits-fils des héros des années passées.

Mon dernier engagement datait de 1994, avec une pétillante Autobianchi Abarth de 1000 cm3. Une victoire de classe supplémentaire, matérialisée par une coupe sur mes étagères, en rappelle le souvenir.

Parfois, la FFSA (fédération française du sport automobile) a de bonnes idées. Depuis quelques années, il existe une catégorie VHRS (véhicules historiques, régularité sportive). Les voitures engagées doivent avoir plus de trente ans et disposer d’un passeport technique attestant de leurs caractéristiques. Nous avons quelques antiquités dans nos granges, dont une Ford Capri GT de 1972, en bel état, qui est éligible au rallye.

Elle est peu puissante (moins de 100 csv), mais solide comme une Ford de cette époque. Avec Alexis, mon cher fils, nous nous sommes engagés. Pour moi, trente ans après, c’était un vrai come-back. La régularité sportive se dispute sur le même parcours que le rallye moderne, mais la moyenne, assez élevée, est proposée aux équipages. Celui qui passera devant les dizaines de cellules en respectant les temps imposés sera le vainqueur. Une moyenne de soixante-quinze kilomètres heure à tenir sous la pluie le jour et dans le brouillard la nuit, dans la spéciale du Haut-Follin, impose de ne vraiment pas traîner. J’œuvre en tant que copilote et calcule en permanence les temps tout en en lisant le road book fourni par les organisateurs.

Certes, nous n’avons pas été les meilleurs face à plusieurs Porsche et autres Cortina Lotus, mais nous avons remporté notre catégorie. Deux coupes, une photo dans la presse locale, que du bonheur !

Soixante-quinze coups ont sonné à mon horloge, mais ce retour en terre morvandelle m’a ramené en 1994. Monsieur Lucotte, maire emblématique de la belle cité romaine d’Augustodunum félicitait alors, dans les somptueux salons de l’hôtel de ville, l’équipage François Bélorgey-Hélène Leroy pour leur victoire de la catégorie.

Merci à François Belorgey.